Pourquoi le yoga est-il plus pertinent que jamais dans notre monde actuel ?
Le Yoga-Sûtra de Patanjali est le traité essentiel sur le yoga. Il comporte 195 aphorismes et se présente comme une sorte de manuel, de vade-mecum, qui décrypte le fonctionnement de la psyché humaine et son influence sur le corps et ses énergies, et propose des voies pour dépasser la souffrance première, qui est celle que notre mental nous inflige.
Mais en quoi ce texte, transmis oralement de générations en générations à travers les âges, et compilé il y aurait deux millénaires, aurait-il encore une portée contemporaine ? J’avoue qu’après l’avoir étudié pendant 4 ans, je l’avais mis un temps de côté pour le digérer mieux, mais aussi pour ne pas non plus enfermer ma vision des choses dans un texte, et risquer de devenir dogmatique. Cependant, je ne cesse, depuis des années, de revenir à ses aphorismes, car les expériences de ma vie me montrent que les intuitions de son, ou ses, auteur(s), étaient souvent fort justes.
Je dirais que l’essence du Yoga Sûtra, c’est de nous parler de la dichotomie fondamentale qui existe en nous, entre le mental et le Soi Divin. Or, cette notion doit être comprise de manière impérieuse, à l’heure actuelle où l’humanité sort d’un long sommeil pour enfin accéder à sa souveraineté intérieure et entamer son ascension vers sa Divinité.
1) Le Soi Divin (le Purusha) et le mental
Qu’est-ce qui fait qu’en ces temps mouvementés, beaucoup d'êtres humains retrouvent leur esprit critique ? Parce que, quand le monde va mal et que plus rien n’est compréhensible autour de soi, il y a urgence de retrouver du sens. Et le seul socle auquel se raccrocher alors est son intuition intérieure.
Et le yoga, précisément, nous parle du Purusha, qui est cette « personne » à l’intérieur de nous, qui est celle qui n’apparaît que lorsque le mental se tait. Aphorismes 2 et 3 du chapitre 1 : « le yoga est la faculté de diriger les activités du psychisme. Alors, le principe de conscience s’établit en sa vraie nature. ». Je nommerai ici cette instance intérieure : le Soi Divin, ou le Témoin silencieux, c’est à dire cette partie intuitive de nous, profonde, intangible, qui en réalité est la petite voix intérieure qui dirige nos vies au-delà des décisions du mental. C’est cette voix que nous écoutons lorsque nous sortons des schémas de pensée habituels, des conditionnements sociétaux, pour aller extirper au fond de nous ce qui est au-delà de nos récits habituels et de nos enfermements. C’est cette voix qui nous fait faire des choses sans raison apparente, motivés uniquement par une urgence intérieure intuitive. Cette voix fait appel à des ressentis extrêmement profonds, qui peuvent annuler les élucubrations de la raison.
C’est la voix et la voie du courage. Combien de fois dans ma vie, pour mon meilleur profit, ai-je fait des choix qui paraissaient peu réfléchis voire insensés, parce que cette intuition profonde me guidait sur un chemin inconnu ?
Ecouter son Soi Divin, c’est marcher sur la voie des mystiques, des sages, des poètes et des artistes ! C’est surtout apprendre à se faire confiance, au-delà du mental conditionné et raisonneur, programmé pour soupeser, contrôler, échafauder, projeter...
2) Les trois piliers du yoga
Le yoga nous fait de nombreuses propositions pour apprendre à entendre notre Purusha-Soi Divin-Témoin silencieux.
Les trois piliers sur lesquels nos vies devraient s’ajuster reposent sur l’exigence sans failles de s’astreindre d’abord à une discipline de vie : il s’agit de garder son corps propre, pur, tonique, par tout type d’exercice qui ouvre le corps et permet l’expansion du souffle vital (ici : yoga, mais aussi méditation, silence, refus de s’exposer aux agressions extérieures, marches dans la nature, pratique sportive douce et tonifiante, etc.) et d’absorber une alimentation saine, faute de quoi nos énergies excessives ou déficientes pourraient agir de manière néfaste sur nos choix de vie.
Ensuite, il nous est demandé d’exercer un discernement constant sur le mental, ce qui implique l’observation de ses pensées, de ses croyances récurrentes, afin de ne pas être dupe d’un conditionnement sociétal, culturel, familial, dont les influences nuiraient à mon libre-arbitre.
Enfin, le troisième pilier est celui qui permet de lâcher-prise en reconnaissant la complexité de la vie, en s’en remettant à une force supérieure, que d’aucuns nommeraient Dieu ou l’Univers, ou simplement le grand courant de vie. En réalité, il ne s’agit là ni plus ni moins que d’admettre que la vie est une onde souple, et que toute rigidité excessive nuit à la beauté de notre avancée.
En fait, l’exercice systématique d’ auto-observation manifeste le refus de vivre dans une forme d’inconscience confortable qui me fait répéter les mêmes actes et ressasser les mêmes pensées conditionnées. En faisant de ma vie un chemin d’observation de moi, j’accède peu à peu à la liberté intérieure : quand une pensée liée à une émotion me traverse, je choisis aussitôt d’en être conscient et je décide si elle est toxique pour moi, ou même, au cas où elle serait agréable, si cette sensation ne m’amène pas dans une paresse, une complaisance, qui là aussi, nuirait à mon intégrité intérieure.
Ainsi, je reviens toujours au corps et aux réactions que les pensées et émotions ont sur lui : car il est le lieu ultime où s’inscrit ce qui est vécu.
3) Sukha et Dukha : le retour au corps
C’est alors, dans l’acte d’observation et de compréhension de ce que je vis, que sukha s’impose de lui-même, comme si l’on se déposait dans son souffle. Sukha, c’est cette sensation d’ouverture dans la poitrine, lorsque l’espace du coeur s’ouvre et se dilate – il s’oppose à dukha, qui est une constriction dans le même espace, quand le mal-être s’installe et que le souffle est court.
Dans le fond, avec le yoga on bâtit un socle. C’est un point de départ pour partir explorer son intériorité. Cette discipline donne la force physique, la concentration : on acquiert un corps vaillant qu’on apprend à habiter, à comprendre et à maîtriser. De là, on va vers la maîtrise des émotions, par leur observation détachée: la clarté de l’intuition peut alors s’installer.
Car au fond, il ne s’agit que de ça : il n’y a pas de progrès chez l’être humain sans une prise en compte de ce qui est vécu à l’intérieur du corps. Le corps est le lieu où j’intègre le monde, où je synthétise en moi des forces souvent contradictoires, et où j’apprends à les alchimiser. Et tout ce qui n’aura pas été vu, compris et digéré, se cristallisera en blocages qui nuiront au passage de l’énergie vitale et pourront à terme ouvrir le chemin à des maux plus ou moins sérieux.
Ultimement, c’est par sukha que je sais que je suis sur le chemin de la santé : quand l’espace à l’intérieur de moi est suffisamment ouvert pour que le prana (le souffle vital) y circule.
Finalement, le yoga permet de retrouver le bien-être grâce au retour dans son espace intime, hors de toute ingérence extérieure, et de répondre à cette question essentielle : dans mon fort intérieur, quels sont mes besoins ?
Ecouter son corps, c'est reprendre son pouvoir en retrouvant sa santé énergétique.
Comments